Un enfant du peuple devenu général d’empire

Lorsque l’on parle de personnalités rattachées à Thuret (63), on pense en premier lieu à saint Bénilde. Mais il existe un autre Thuretois qui s’est illustré dans l’Histoire, au point d’avoir aujourd’hui son nom gravé sur l’Arc de Triomphe : Jean Baptiste Charles Baurot. En 2021 et 2022, son arrière… petite-nièce Gaëlle Chazal Sainte-Marie fait paraître une série d’articles dans la revue historique Brayauds et Combrailles.

La revue Brayauds et Combrailles consacre un dossier à votre ancêtre, comment cela s’est-il fait ?

C’est grâce à ma grand-mère qui est née et a vécu à Chassenet. Elle aimait me raconter des histoires de famille. Quand elle est décédée en 2008, j’ai eu envie de les regrouper sous forme de recueil pour l’offrir à toute la famille. Il y avait entre autre celle de ce général né dans sa maison en 1773. Cela me turlupinait, et j’ai fini par commencer à faire des recherches. De fil en aiguille, la matière devenait de plus en plus importante et il fallait en faire quelque chose. A côté de cela, je travaille pour l’association Synergie, Initiatives et Expression culturelle des Territoires du pays brayaud et des Combrailles (SIET) et mets en page la revue Brayauds et Combrailles. En discutant à plusieurs reprises avec la directrice de publication, elle a fini par me convaincre de publier son histoire sous forme d’articles.

C’est donc un ancêtre, né à Chassenet (hameau de la commune), qui est devenu général d’Empire. Comment est-ce qu’on passe de Chassenetois, à général d’empire ?

Et bien, il faut déjà une révolution pour commencer. Il faut savoir que la famille Baurot (ou Borot) était parmi les plus riches de Chassenet à cette époque-là. Jean, puisque c’est son prénom initial, a eu droit à une éducation. Il a notamment appris le latin par le biais du prêtre de la paroisse. Il a été envoyé à Clermont-Ferrand apprendre le métier de drapier en 1789.
A partir de cette époque, un changement s’est opéré dans les esprits. C’est ainsi que la famille s’est engagée politiquement et militairement, comme Antoine Rougier, le beau-frère de Jean, qui est devenu le premier maire de la commune de Thuret en 1800. C’est donc en 1793, quand l’appel aux volontaires a été lancé que Jean a saisi l’occasion. Il a commencé en tant que fourrier. Il faisait uniquement de l’intendance. Et en 20 ans de carrière, grâce à cette période napoléonienne où la valeur primait sur le rang, il a pu gravir les échelons. Cela n’a pas été évident parce qu’il venait malgré tout du peuple. C’est ainsi qu’il est devenu général de brigade en 1814.

Il a fallu faire preuve d’engagement, de zèle, mais aussi arriver à se démarquer. Et la compétence militaire, il ne l’a pas forcément apprise, c’est un milieu qui, de base, lui était totalement étranger…

Tout à fait. Mais il avait la chance de faire partie de ces hommes intelligents et qui avaient de l’instruction. De très nombreux soldats étaient complètement illettrés. Cela a vraiment joué en sa faveur. Il a ainsi pu montrer sa valeur, faire preuve d’initiatives et d’esprit. Il a rencontré des haut-gradés tels que le général Lasalle, le général Berthier ou encore Louis et Napoléon Bonaparte. Ils ont reconnu ses nombreux talents administratifs, mais également militaires, qu’il a appris durant la première campagne d’Italie de 1796-1797. Il s’est entouré de nombreuses relations influentes avec qui il s’est lié d’amitié, et il a su s’élever professionnellement.

Et ce qui est le plus remarquable, c’est qu’il a été reconnu et a commencé à gravir les échelons sous la République, a été fait général sous l’Empire et même après, il a continué de recevoir des distinctions sous la monarchie restaurée…

Parce qu’avant tout, il servait la France. Je pense que c’est ça, en fait. Il avait une idéologie très marquée. Il n’a pas suivi un homme, et c’est ce qui à mon sens, lui a certainement permis de pouvoir être reconnu à ces différentes périodes.

Et donc, il est une figure très importante pour le village de Thuret. Son nom, qui est gravé dans la pierre, le fait connaître jusqu’à Paris…

Oui, jusqu’à l’Arc de triomphe ! Il a réussi à devenir une figure importante de cette épopée. Il a connu d’illustres généraux et est même devenu ami avec le maréchal Soult à partir de la très difficile et dangereuse campagne Espagne-Portugal. Il a été l’un de ses colonels et s’est illustré à de nombreuses reprises. Baurot et lui sont restés très proches et ont toujours gardé le contact au fil des années. Quand le maréchal Soult fut ministre de la Guerre durant la Restauration, il a proposé à Baurot de devenir le commandant de l’Ecole militaire de La Flèche en 1831. Puis, quand le projet de l’Arc de triomphe a été relancé, cette relation lui a permis, du moins en partie, de faire les démarches nécessaires pour que son nom figure parmi les plus grands de l’époque napoléonienne.

Il n’est cependant pas ressorti indemne de sa dernière campagne…

Comme on disait à l’époque, il avait la baraka. Il a pourtant failli mourir à plusieurs reprises. Mais grâce au bouton d’une veste ou au pommeau de son sabre, il a été épargné. Par deux fois, son cheval a été blessé ou mort juste en dessous de lui.
Pourtant, sa chance s’est arrêtée à la bataille de Toulouse le 10 avril 1814. Napoléon Ier avait abdiqué quatre jours auparavant, mais les communications n’étant pas celles d’aujourd’hui, les armées n’étaient pas encore au courant. Depuis quelques mois, l’armée des Pyrénées, qui subissaient les offensives ennemies en Espagne et Portugal, avait fini par se retrancher à Toulouse. L’ennemi était donc arrivé en France. C’est dans cette ultime bataille d’une extrême violence, à la fin de cette funeste journée, alors que Baurot se trouvait sur le plateau du Calvinet, qu’il reçut le coup de canon qui emporta sa jambe droite.

Vraiment dans les derniers instants de l’ultime bataille donc ! Il est revenu à Chassenet, après en être parti ?

Non, il n’est jamais revenu vivre dans notre commune. Il a donc quitté l’Auvergne en 1793. Son père est décédé quand il avait 10 ans, et sa mère mourut en 1796. Ils étaient 9 enfants et il est vrai que sa mère avait énormément misé sur lui. Il est toutefois resté en relation avec sa famille, puisqu’à plusieurs reprises, il a été obligé de demander des actes de naissance. Par contre, il a été de passage dans la région pour soigner sa jambe à Châteauneuf-les-Bains en 1841. Dans sa lettre de demande de congés envoyée au ministère de la Guerre, il mentionne également des affaires d’intérêt à régler. Nous pouvons donc imaginer qu’un voyage a pu être organisé jusqu’à Thuret !

A-t-il eu des enfants ?

Il s’est marié en 1820 et il a eu une fille en 1821. Sa femme était fille d’un procureur de la Chancellerie espagnole, ayant fui son pays avec toute sa famille durant la débâcle. Jean Baptiste Charles Baurot a rencontré Obdulia Figuera Neyra à Bayonne alors qu’il était commandant de la place en 1818. Ils se sont mariés à Bordeaux et ont fini leur vie à Saint-Germain-en-Laye.

Propos recueillis par Bastien Roques

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